La bilharziose urogénitale, maladie émergente en Corse ?

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Echantillon de bulins collectés en 2016
Echantillon de bulins collectés en 2016 – Photo David Orme

L’accélération des voyages au niveau mondial, des échanges de biens et de personnes, s’accompagne de l’arrivée de nouvelles maladies ou vecteurs. On parle de maladies émergentes.
Traditionnellement observée dans les régions tropicales et subtropicales, la bilharziose a été identifiée en Corse en 2013 et constitue désormais une menace sanitaire à surveiller.

La bilharziose est la seconde parasitose en termes d’impact sanitaire, après le paludisme. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 258 millions de personnes sont sous traitement et elle serait responsable chaque année de 20 000 à 200 000 décès dans le monde.

La bilharziose, dans sa forme urogénitale est causée par un parasite le schistosome, et qui provoque des atteintes du système urinaire : douleurs mictionnelles, hématurie, polyakurie, avec parfois des atteintes rénales sévères. Cependant, il existe de nombreuses formes asymptomatiques. Le traitement est simple et efficace, par une prise (ou 2) sur 1 jour de Praziquantel (Biltricide®).

Le parasite pénètre dans les chairs de l’homme à l’occasion d’un contact avec une eau contaminée et migre progressivement vers la vessie, d’où il peut ensuite libérer des œufs.

Pour se développer dans l’eau, le parasite a besoin d’un hôte intermédiaire au sein duquel il se transforme et de se multiplie : le bulin, un escargot d’eau douce présent dans la rivière du Cavu.

En 2013, des personnes qui se sont baignées dans la rivière du Cavu  ont présenté des troubles de l’appareil urinaire qui se sont avérés être causés par la bilharziose. Une recherche élargie à toute la France a permis de recenser plus de 110 personnes s’étant baignées dans ce cours d’eau et contaminées par le parasite. Aucune forme grave n’a été cependant recensée. L’hypothèse la plus vraisemblable est qu’un patient de retour d’une zone d’endémie soit venu se baigner dans le cours d’eau en 2013 et ait uriné dans l’eau libérant ainsi les parasites et contaminant le milieu.

 

Le site a été interdit en 2014 et aucun cas n’a été recensé. A la suite de la réouverture du site en 2015 et malgré une large campagne d’information et de dépistage, au moins 2 personnes supplémentaires ont contracté la maladie.

Le parasite ne survivant pas aux températures hivernales, le cours d’eau est donc exempt de contamination tant qu’une personne malade ne vient uriner dans l’eau.

En 2016, dans le cadre d’un plan d’action inspiré des recommandations d’experts nationaux, une campagne inédite de surveillance a été mise en place de recherche de l’ADN du parasite dans les bulins (analyses PCR), avec l’appui du laboratoire interactions hôtes pathogènes et environnements de l’université de Perpignan.

Plus de 3500 bulins ont été collectés à un rythme hebdomadaire et analysés entre le 15 juin et le 31 aout : aucun n’a été détecté positif. Aucun cas humain n’a également été signalé.

Des recherches ont été menées sur différents cours d’eau de Corse et des bulins ont été retrouvés sur d’autres cours d’eau (l’Osu et la Solenzara), mais à des densités beaucoup plus faible que celle observée dans le Cavu. Il n’est pas exclu que des bulins soient également présents sur d’autres cours du pourtour méditerranéen.

Une vaste campagne de sensibilisation des professionnels de santé a également été lancée pour inviter au dépistage toute personne s’étant baignée dans le cours d’eau en 2013 ou provenant d’une zone d’endémie. Des aménagements ont été réalisés sur place : installation de sanitaires, contrôle et étanchéité des fosses septiques avoisinantes, panneaux d’informations du public.